Jean-Marc Besse, professeur et directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), membre de l’UMR Géographie-cités, a donné le 9 janvier 2023, à l’Université de Lille, une conférence inaugurale dans le cadre du séminaire Landscape du Master Philosophie intitulée : « L’oubli du paysage – Questions actuelles de la théorie du paysage en France ».
Il revient sur la façon dont on a conçu le paysage en France, depuis 30 ou 40 ans, en insistant plus particulièrement sur la période récente. Au sein de la théorie des sciences sociales, en matière de paysage, il existe deux orientations qui sont en tension : l’une renvoie le paysage du côté subjectif, celui de la perception ou de la représentation, tandis que l’autre considère le paysage comme une réalité indépendante. Il y trace les perspectives d’un usage renouvelé du concept de « paysage », lequel lui semble trop oublié par les réflexions actuelles sur notre relation à la nature et à la Terre.
Cette conférence d’un très grand intérêt est visible sur YouTube en cliquant sur l’image ci-dessus, mais Histoires de paysage en a fait la transcription écrite pour vous, téléchargeable au format pdf (pour un usage personnel uniquement).
FOCUS : que signifie « jardiner » ?
Jean-Marc Besse aborde, à propos du livre Faire de l’anthropologue Tim Ingold, une idée qui nous tient particulièrement à coeur en matière d’aménagement : la matière, en particulier la matière vivante, végétale – mais pas seulement – avec laquelle nous travaillons en tant que paysagistes ou jardiniers, a une dynamique propre avec laquelle il faut composer et dont il faut même savoir tirer parti. On reconnaîtra aisément les bases du « Jardin en mouvement » de Gilles Clément, ce qui a pu lui faire dire que « jardiner, c’est d’abord savoir observer » : le jardinier laisse une large place aux dynamiques naturelles qui recomposent d’elles-même sans cesse le jardin ; il ne fait que les orienter, par son regard attentif et ses gestes attentionnés. Mais cette idée – ce « mode de pensée » – a une portée beaucoup plus large.
Faire, c’est précisément ne pas considérer la matière comme inerte, ne pas considérer le paysage comme une table rase, c’est au contraire reconnaître les mouvements et les dynamiques à l’oeuvre dans la matière même du paysage. (…) Et de ce point de vue-là, il n’est pas impossible de prendre comme modèle du faire – et c’est une proposition que je défends volontiers – le « jardinage ».
Jean-Marc Besse, Lille, 9 janvier 2023